19/04/2017

Le client est cross canal, l’organisation ne l’est pas

Author: Bertrand Duperrin

« Après un chantier long de deux ans l’infrastructure technologique de notre stratégie cross-canal est prête. Il ne nous reste plus qu’à régler la question des retours, de la stratégie de prix commune et de convaincre les points de vente de connecter leur système au notre ». Une manière élégante – et trop souvent entendue – de dire que la stratégie cross-canal d’une marque est dans l’impasse faute d’avoir rendu son organisation cross-canal.

Vu du client la question du cross-canal n’est est plus une. Il interagit avec une marque sur une multitude de points de contact mais, dans son esprit, il n’a affaire qu’à une seule et même entité.

Il prend des informations en ligne ou en point de vente, achète à un endroit, retire ses produits à un autre et entend retourner son produit de la manière dont il l’entend sans autre forme de procès.

C’est une réalité bien comprise des marques et de leur réseau de distribution qui œuvrent depuis quelques années à offrir une expérience cross canal fluide à leurs clients. Aujourd’hui la technologie permet de faire de cette expérience une réalité et c’est souvent le chantier par lequel tout commence. A juste titre car le cross canal est avant tout une logique de flux et de partage d’information : si les choses ne passent pas de manière fluide de ce côté il ne faut pas s’attendre à un quelconque progrès aux points de contact avec le client. Mais cela ne suffit pas.

Quand on passe à la technologie on a vite fait d’en faire un objectif en soi et d’oublier sa raison d’être : cohérence et partage des flux et de l’information. La technologie rend tout cela possible mais uniquement possible, pour que cela devienne vrai encore faut il que l’organisation soit cross-canal. Et un constat s’impose : elle ne l’est pas. Le principal point de vigilance dans une stratégie cross-canal est organisationnel, pas technologique.

Credits : Influencia

Vu avec les yeux du client il y a un client et un parcours. Vu avec les yeux de l’entreprise il y a une séquence de points de contacts et une connaissance client éclatée entre ces différents points de contact. Il peut également en aller de même avec les produits où – situation fréquemment rencontrée dans le monde de la franchise – les magasins peuvent avoir leur propre stratégie de prix, ne donner qu’une vision limitée de leurs stocks voire réencoder les produits avec une nomenclature qui leur est propre. Et, bien sûr, refuser de reprendre dans un magasin un produit qui aurait été vendu en ligne voire dans un autre magasin. Sans oublier, non plus, l’application uniforme d’un éventuel programme de fidélité quand chaque point de vente préfère ne faire de cadeau qu’aux clients qui ont effectivement dépensé chez eux et non pas dans d’autres points de vente de l’enseigne.

En interne, le silotage des points de contact met en exergue le manque flagrant de collaboration entre le marketing et les ventes. Avec des conséquences mises en évidence par une récente étude de chez Oracle :

Seules 33% des marques françaises peuvent indiquer de façon fiable comment et à quel moment du parcours d’achat une vente a été initiée : 

seule la moitié (47%) des marques françaises combinent les données issues de multiples sources afin de nourrir leur stratégie commerciale et marketing,

44% d’entre elles prennent en compte les données clients en leur possession afin de mieux comprendre leur cible.

 

D’un côté on a donc une expérience client tout sauf fluide et « sans couture », de l’autre des inefficacités notables en termes de pilotage et de performance.

Il y a deux règles d’or à bien avoir en tête dans une stratégie cross-canal :

  • – la technologie peut, mais au final ce sont l’organisation et donc les Hommes qui veulent. Ou pas,
  • – le cross-canal impose de jouer collectif. Aussi bien en interne entre les différentes fonctions de l’entreprise qu’en externe avec son réseau, ses parties prenantes et ce, a fortiori, lorsqu’on ne possède pas son réseau de distribution et qu’on a pas de prise hiérarchique sur ses décisions.

 

Ce qui doit impérativement se traduire dans les faits par :

  • – un partage et une adoption de la vision cross-canal et de ses conséquences organisationnelles. Un exercice qui peut s’avérer hautement sensible lorsqu’on ne possède pas son réseau de distribution mais sans lequel rien ne sera possible,
  • – réaligner les ventes et le marketing autour de métriques communes,
  • – partager la donnée de chaque point de contact avec les autres points de contact,
  • – cesser de confier le retail traditionnel et le online à des business units différentes, qui plus est le plus souvent mises en concurrences,
  • – se donner les moyens de traquer et mesurer la contribution de chaque canal à la réussite des autres pour prouver le bien-fondé de la stratégie par les faits et piloter le dispositif par des indicateurs pertinents,
  • – l’application uniforme du programme de fidélité, peu importe que les points soient dépensés ou les bénéfices obtenus dans un point de vente différent de celui ou les dépenses ayant permis l’obtention de ces droits a eu lieu.

 

Avant d’être un enjeu technologique le cross-canal est avant tout une révolution culturelle pour beaucoup, une révolution qui demande une transformation organisationnelle. Pour le client il n’y a plus de commerce en ligne ou physique, il y a le commerce tout court. Cela doit également devenir une réalité pour la marque.

 

Bertrand Duperrin, Business Director.

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