18/12/2009

Tourisme : être ou ne pas être connecté

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Capture d’écran 2009-12-18 à 08.48.11En aparté des 5e rencontres du eTourisme institutionnel, superbement organisées par l’ARDESI Midi-Pyrénées, j’ai eu le plaisir de causer dans le poste, notamment sur la question du “gros” chantier à venir des acteurs en ce domaine.
Il se trouve que je n’ai pas fais que le dire devant la caméra, je l’ai aussi redis dans les différentes interventions que j’ai eu à faire lors d’un mois de novembre assez marqué par les prises de parole dans les rassemblements sur le tourisme. J’aimerai ici faire écho de la température terrain remontée à cette occasion…

Pour commencer, il s’est passé quelque chose de grand, lors de ces 5e rencontres. Le jury chargé de décerner le trophée du meilleur site a jugé qu’il n’y avait rien à décerner et qu’il valait mieux, dorénavant, s’intéresser aux stratégies plutôt qu’aux sites.
En voilà une idée qu’elle est bonne. Depuis 2004, on sait qu’il ne suffit plus d’être sur le web, mais d’en faire partie, il est donc de salubrité publique de cesser de se focaliser sur les sites web. Ils ne sont plus que des rampes de lancements, des points de transformation, ou les deux. Il y a maintenant des gens qui s’en passent. Nous avons nous-même des projets où il n’y a plus de fabrication de page web, ce qui n’empêche pas des dispositifs business très avancés.

C’est à Brive, lors d’un atelier sur le marketing 2.0 et l’e-tourisme, que j’ai entendu un hotellier abonder, et plus encore. Il disait qu’il observait ce que lui rapportaient des plateformes comme Booking d’une part, et le cost-of-sales qu’elles représentaient d’autre part. Il trouvait qu’il y avait là des solutions de réservation efficaces et bon marché, bien plus que celles de son propre réseau (sic) sans parler de celles des institutionnels. Il agréait au fait que son problème était bien de se connecter à ses clients là où ils sont, de susciter chez eux de l’UGC, bref de faire du community management.

Je maintiens, à qui veut l’entendre, que le web 2 est bien mort en 2007, quand les réseaux sociaux ont atteint un niveau de massification tel qu’il ne s’agissait plus de considérer cela comme de l’innovation, mais comme de l’outillage de base, au service de stratégies à réviser au regard de la configuration résultante de ladite massification. De nos jours, ne pas vouloir regarder cela, c’est tout simplement nier la réalité de faire grandir sa relation client. le résultat coule de source.

J’ai pu mesurer à quel point le grand dada du moment est l’expérience, vendre de l’expérience et plus des produits. Un produit est ce que l’on achète, une expérience est ce qu’il en reste. Eric Reiss disait : don’t tell me you’re great, be great. Je dirai : don’t tell me you’re great, make me be great ! Le voyage doit transformer les gens. On n’a qu’une vie.

Il y a quelques semaines, j’écoutais une interview de Joël Rebouchon. Il était un peu aigri. En plein dans la fin de la course aux étoiles des grands chefs, il expliquait que les clients ne voulaient plus aller à la messe (au grand restaurant), qu’il fallait recréer de la convivialité et que la cuisine était du partage, un “moment”. Qu’il voulait simplement proposer une salade, mais une salade dont on se souviendrait.
Le problème avec l’expérience, c’est que c’est un tout. Si une composante du voyage est mauvaise, cela impactera le tout, au détriment de tous. Et le problème avec ça, c’est que cela oblige à ce que toutes les parties prenantes se parlent. Or, il ne suffit pas que les hôteliers se parlent entre eux, ils faut surtout qu’ils parlent aux autres acteurs de la destination. Le rôle des acteurs institutionnels du tourisme n’est pas de faire des sites ou des bases de données, il est de faire en sorte que la destination vive, que ceux qui la font vivre se parlent.
C’est pour cela que je dis qu’il ne suffit pas de vouloir se connecter à ses clients, encore faut-il l’être soi-même, avec les acteurs qui font l’expérience que l’on veut vendre. Une destination est un tout. Une destination doit délivrer la promesse, de bout en bout.
C’est à Toulouse que l’on a vu que le problème n’était pas de vouloir copier le voisin, ou de lui piquer ses clients. Que le problème c’était d’une part de donner un sens à sa destination et, avant cela, de se rendre compte que celle-ci est plus vaste que les limites administratives, qu’elle est même multiple et connectée à celle des voisins. Ludovic Dublanchet appuie sur la nécessité de la coopétition entre acteurs du tourisme, dans le fait de créer du lien et de faire ressentir à ses clients la solidarité et l’attachement territorial qui en résulte. Le territoire est un bien commun, il ne faut pas le galvauder.

J’aime bien le concept de DMO (Destination Management Organisation). Il buzz bien dans le landerneau. Pourtant, c’est juste la transposition au tourisme du concept d’entreprise en réseau, une contribution au changement de modèle que cela implique, pour un changement déjà bien engagé ailleurs et outillé par les réseaux sociaux d’entreprises, une gamme d’outils à la maturité déjà bien avancée.
Les DMO sont la modernité, mais les DMO ne sont pas pour autant une friche ou un grand espace vierges. Feu l’enterprise 2.0 a défriché tout cela depuis un bon moment et démontré que les outils n’y sont qu’une conséquence, que la valeur ne provient que d’un changement de conception des choses, de stratégie.
Les DMO ne sont pas du registre de la caisse à outil. Elles sont d’abord une révision complète de la notion de destination. Elles appellent à une refondation complète du modèle organisationnel qui la fait exister.

Le tourisme institutionnel confronté au digital ne déroge pas de la problématique des marques en général. Il y a sans doute une intégration encore un peu plus forte en ce domaine, puisque le produit vendu est immatériel. Le problème, comme partout, c’est d’arrêter de regarder le digital comme des outils, et de prendre acte, d’une part que les consommateurs se sont massivement appropriés de nouvelles pratiques et ont changé, d’autre part que le marché s’est reconfiguré et que plus rien ne sera comme avant.
Bienvenue au XXIe siècle, à l’age des réseaux !

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