14/04/2009

Un pas de plus vers la disparition des limites avec Aka-Aki, le réseau social mobile qui grandit

Author: Webmaster

Il a suffit d’un article dans le monde pour qu’Aka-Aki éveille de nouveau l’intérêt ; le mien en particulier puisqu’il se place dans la lignée d’un projet d’études en Arts Appliqués du nom générique « friendly » que j’avais présenté à Toulouse en 2004 et qu’il est le résultat d’un projet développé à l’Université des Arts de Berlin, mis à disposition en 2008 dans sa version publique. Décidément, Si de par leur liberté et leur sensibilité, parce qu’ils se tiennent à la fois dans et au bord du monde, les artistes peuvent être des vigies comme l’écrivait Mac Luhan, ce projet parmi beaucoup d’autres montre qu’ils peuvent aussi être des précurseurs.
En bref, qu’est-ce que Aka-Aki ? Un réseau social mobile qui semble plus abouti que certains essais précédents, qui revendique 100 000 membres essentiellement en Allemagne, particulièrement à Berlin, mais qui semble s’étendre. Il repose sur un système de géolocalisation et de transmission associant GPS, Wi-Fi et Bluetooth, gratuit, exploitable sur le web, mais aussi sur mobile. A priori compatible avec Twitter, il offre les possibilités habituelles d’un réseau social en matière de messaging et friending. L’usager est invité à coller sur son profil des stickers indiquant ses goûts dans les domaines culturels, sexuels, professionnels et autres. Le point fort, c’est que dès lors que cet usager croise à portée de Bluetooth un autre membre, leurs mobiles affichent leurs profils respectifs, et même conservent la mémoire de la rencontre. Rien de plus simple alors que de contacter l’ami présent dans les parages, le membre dont le profil affiche des intérêts communs, ou bien le (ou la) titulaire de la (jolie) photo qu’affiche le profil et de lui proposer une rencontre. On a compris que ce réseau n’a (éventuellement) d’intérêt qu’au dessus d’une certaine taille critique et donc pour l’instant dans de grandes villes ou des lieux très fréquentés.
Je ne sais pas ce que deviendra Aka-Aki, mais il marque une avancée (je n’ose pas le mot progrès tant il y a d’incertitudes sur ce vers quoi pourrait nous mener ce type de réseau, le pire ou le meilleur…) illustrant l’effet Moebius cher à Pierre Lévy : Disparition des limites public-privé, espace propre-espace commun, carte-territoire. Il est un outil du lien social basé sur le sentiment et l’intérêt personnel, donc volatile, propice à la constitution de communautés à géométrie et à durée variable. Dans ce cadre, le téléphone mobile est l’outil tout indiqué parce qu’il est un lien entre espace privé et espace public, un nœud de passage réversible de l’un à l’autre de ces espaces.
Ce brouillage des limites a pour corollaire le brouillage des limites du territoire. Autrefois limité par les possibilités de déplacement et les rapports sociaux, délimité par des frontières, signalé par des panneaux, taggé ou graffité, il cède la place à des territoires virtualisés. Aka-Aki, c’est d’abord une pancarte virtuelle qui s’actualise sur l’écran du mobile de votre voisin. A la déterritorialisation du réseau, répond la reterritorialisation de la rencontre, imbriquant territoire virtuel et territoire réel, territoire propre, territoire commun et territoire tribal. Dès lors, le marquage par des implants communiquants (et le mobile s’en rapproche) permet à l’individu, mais aussi à des objets et des machines de se reconnaître, d’être reconnus et de se signaler en fonction d’intérêts programmés par avance. Dans cette optique, l’internet des objets ne se sépare pas de l’internet des individus. Aka-Aki ce n’est pas encore cela, mais c’est déjà cela…
Les auteurs du projet parlent de réalité augmentée. Ce réseau mobile enrichit les possibilité du mobile-prothèse en nous permettant non seulement la présence à distance, mais aussi la reconnaissance, la détection et le tri à distance en temps réel, comme le ferait un nouvel organe des sens qui étendrait le monde réel. Nul doute qu’un tel système ne puisse s’étendre à des espaces de délivrance de flux personnalisés (une autre facette de l’étude que j’avais présentée à Toulouse en 2004) qui, de même que compter le nombre de passages (mémorisés par le système, rappelons-le) de tel ou tel individu ayant tel ou tel profil en tel ou tel lieu, intéresseraient les publicitaires (et bien d’autres comme on peut l’imaginer sans peine…). Il reste tout de même à connaître l’avis de la CNIL et organismes apparentés sur ce possible nouvel œil de Big Brother, et bien sûr jusqu’où ira l’adhésion des utilisateurs. A suivre…

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