13/04/2005

La télédéclaration sous le feu des médias

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Samedi dernier, temps pourri, rien de spécial à faire, je me suis dis que c’était le bon moment pour faire ma télédéclaration d’impôt sur le revenu.
C’est avec la plus parfaite séreinité que, comme l’année dernière, j’ai laissé passé le délai de déclaration papier et évité de m’empêtrer au milieu du capharnaüm automobile généralisé régnant dans le quartier des impôts à la date fatidique.
On nous a tellement bassiné que le service était saturé que je me suis presque surpris du contraire. Bon point aussi, je n’avais pas opté pour un mot de passe exotique que j’aurais oublié. Un quart d’heure plus tard l’affaire était réglée. Simple, pratique : magnifique 🙂
Il est assez fascinant de voir la notoriété que cette téléprocédure a prise au fil du temps, jusqu’à en devenir un bon vieux marronnier du journalisme. Symbole du développement de l’e-administration, c’est vraiment l’arbre qui cache la forêt, dans un domaine qui, s’il jouit d’un bon a-priori, est peu compris et peu pratiqué…


D’ores et déjà, on en a beaucoup entendu parler de cette fameuse télédéclaration dans les médias, notamment à cause de l’engorgement massif du système.
L’année dernière, le nombre de télédéclarations de l’impôt sur le revenu avait doublé et passé la barre symbolique du million (1,25). Cette année on sait déjà que la barre des deux millions sera franchie, à raison de 100 000 télédéclarations par jour. Rendez-vous début mai pour avoir le résultat des courses, mais je veux bien faire le pari que nous serons bien 3 millions à l’arrivée.
J’ai lu avec stupéfaction que le système avait été conçu avec un plafond de 1,5 millions pour 2005, la faute à un premier contrat d’objectif trop pessimiste et qui se termine cette année. Le Minefi en était clairement conscient, mais la gestion publique est ainsi faite qu’ils n’ont visiblement pas pu acheter plus de débit et de serveurs. Résultat, il a bien fallu tenter d’endiguer la surcharge prévisible avec un délai supplémentaire consenti important et un découpage en zones digne de la régulation du trafic routier.
1,5 millions c’était trop peu. Déjà, il était à mon avis logique que la croissance suive celle des autres usages avancés tel que l’e-commerce et donc subisse un doublement. Indépendamment de cela, on ne soupçonne pas à quel point la décote de 20€ décuple la montée en charge des usages. Moi-même comme d’autres avons été sollicités par diverses personnes de notre entourage que l’on ne soupçonneraient pas d’être branchées par le net pour effectuer la démarche.
1,5 millions c’était donc trop peu et on l’a bien senti dans les médias. L’année prochaine, avec de nouveaux objectifs, ce sera mieux, mais on attend surtout la faculté de déclarer des changements d’état civil.
Voici donc notre sympathique téléprocédure annuelle objet de toutes les attentions et qui, malgré ses problèmes de tuyauterie, suscite un engouement qui ne se dément pas et la satisfaction du ministre.
Il convient cependant de relativiser le succès de l’affaire.
D’abord, 3 millions de télédéclarations, c’est moins de 9% du nombre total de déclarations. L’année dernière, ils étaient 31% au Danemark et même 14% en Espagne. On progresse, mais on reste en queue de peloton 🙁
Ensuite, 10% de télédéclarants alors que la moitié des 40% de foyers français connectés sont en haut-débit et achètent en ligne (même si ce ne sont pas forcément les même), c’est peu.
Les études nous disent effectivement que le citoyen plébiscite ce changement tout en le pratiquant peu et en ne sachant pas bien le définir. Service-Public.fr accueille plus de 1,7 millions de visiteurs par mois, ce qui beaucoup et peu à la fois, d’autant plus que le portail de l’e-administration française n’est même pas sur le podium du site public le plus visité.
Du côté de la fonction publique, on aura noté que l’e-administration ne suscite pas vraiment de remous visibles, signe que son usage reste à la fois marginal et que, si c’est une évolution incontestée, l’effet de masse reste à venir. Même si une pointe d’amertume pointait dans l’évocation du savoir-faire du traitement des déclarations papier, le syndicaliste interviewé l’autre jour sur F2 tenait clairement à défendre sa tribu et donc à relativiser les problèmes pour mettre en avant la qualité du service rendu.
Bien que sur-médiatisée, la téléprocédure star de l’e-administration française a donc encore sa progression devant elle et cela illustre bien qu’il ne suffit pas qu’elle soit connue et promue pour être usitée.

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