21/12/2004

S’il te plaît, dessine-moi un blog…

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Un certain John Barger, auteur du site www.robotwisdom.com, aurait été le premier à utiliser le terme “blog” en décembre 1997 [1]. Le mot avait pour but de désigner une rubrique de brèves classées par ordre anachronologique en dérivant le terme logbook, qui désigne un journal de nord au sens maritime du terme comme au sens du suivi des log [2] d’un serveur informatique. De la même manière qu’un jour quelqu’un a appelé FAQ [3] une page listant des question-réponses, le terme a donc été créé dans le but de désigner un mode de présentation de contenu pertinent, avec un point de vue strictement frontal ou fonctionnel.
Vinrent ensuite les CMS. Au tournant du siècle ont commencé à apparaître les outils de gestion de contenu, avec pour but de simplifier l’administration des sites web. Avec le développement d’outils en logiciel libre, le phénomène s’est démultiplié et démocratisé. Ils ont contribué à une forme de rationalisme de la présentation des contenus. La liste d’articles anachronologiques étant quand même le fondamental de la chose. Les CMS ont aussi donné des idées en terme d’animation éditoriale collective. Avec les Wiki, la tentative était très communautaire, le contenu étant éditable par tout le monde, vint ensuite un modèle plus individualisé associant au propos initial un forum chargé d’agréger les commentaires. L’intégrité du propos de chacun y était donc maintenu.
Le blog devint alors un modèle de rubrique présentant une liste d’articles commentés, classés anachronologiquement, bénéficiant d’un CMS permettant à tout un chacun de publier articles et commentaires suivant ses droits. On dira que ce modèle fonctionnel a montré sa pertinence par adhésion des utilisateurs. En mettant cette rubrique au centre d’un site web, quelqu’un a permis au blog de devenir un modèle de site en lui-même, et c’est sous ce sens que beaucoup l’entendent.

Grâce aux CMS, l’édition de contenu sur Internet a donné aux non-techniciens la faculté de faire vivre des sites directement, facilement et avec réactivité. Cela leur a permis de se concentrer sur le contenu plutôt que sur son contenant. Car le diarisme n’a pas attendu les blogs pour exister. À la préhistoire du net (il y a 5 ans !), on baignait en plein dans la mode du site perso (souvenez-vous de Multimania). À cette époque aussi, des sites naissaient aussi en masse chaque jour, à ceci près qu’ils n’étaient pas formatés et que leurs auteurs passaient plus de temps à coder, à designer ou à empiler les GIF animés qu’à écrire. Avec l’arrivée massive de webmestres non-technophiles, la forme a perdu de l’intérêt au profit du contenu. Comme l’ont dit d’autres avant moi, les blogs sont donc la continuité et la mort des sites persos.
Dans cette histoire, les facultés d’échange et de syndication sont un élément essentiel du succès des blogs. Certes, ce sont des principes bien plus ancien, mais ils n’en constituent pas moins un facteur démultiplicateur des échanges et des liens entre blogs à la base du phénomène. Aujourd’hui les blogs contribuent nettement au développement de toute une série d’outils permettant l’utilisation des flux de syndication. À ce titre, ils ont certainement favorisé une exploitation personnelle de ces flux, ce qui n’était à priori pas leur but initial.

Ce qui est frappant avec les blogs, c’est que ce sont quand même de simples sites web, mais on les reconnaît au premier coup d’oeil. En fait, un blog doit ressembler à un blog sinon cela n’a pas de sens. Cela n’a rien à voir avec la technologie, c’est comme les marques, c’est un signe d’appartenance communautaire. Certes, il ne faut pas nier que tel ou tel CMS a pu constituer un moyen simple, rapide et pratique de déployer son site et que tous ces clônes ont permis à leurs dépositaires de se reconnaître, mais le CMS de blogging ne fait pas le blog. À ce titre, la dernière mode en date serait de montrer que l’on peut faire un site avec un outil de blogging. Sauf à promouvoir tel CMS par rapport à d’autres, cela n’a aucun intérêt. Un bon outil de blogging doit surtout permettre à son utilisateur de disposer d’un site qui aie une bonne tête de blog et une grande maniabilité de gestion.

Actuellement, nous sommes un peu enfumé par le buzz ambiant et il ne faut pas nier l’effet de mode. Celui-ci peut être en soit être la motivation d’un projet de communication, mais c’est évidemment un peu court.
Derrière l’effet de mode, il y a l’éternelle compétition technologique et les outils de blogging ne sont pas en reste dans le domaine des CMS. Ce n’est pas le propos. Un outil en lui-même n’a que peu de sens, c’est la main de l’homme qui lui en donne.
Il reste alors, d’une part une modalité pratique pour gérer du contenu et des échanges, d’autre part un formalisme qui est compris et qui a un sens pour beaucoup d’utilisateurs. Sur ces deux clés, il reste donc à se poser les bonnes questions pour savoir si cela sert bien son besoin et si les conditions opérationnelles sont favorables.
À ce stade, on est dans le contenu et dans l’environnement humain de sa production, donc dans le “de quoi on parle et comment on en parle”. Ce devrait tout de même être la question préalable. Les blogs, c’est comme le vin. La bouteille n’a d’intérêt que pour que l’on reconnaisse au premier coup d’oeil de quoi il s’agit, mais l’intérêt c’est le contenu et pour s’en convaincre il faut le boire, et rien n’est plus agréable que de discuter à ce propos avec d’autres amateurs.

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