09/05/2012

Net’ment plus luxe!

Author: Manuel Diaz

Acquérir un bien relève de deux dimensions. La première est utilitaire. Elle est relative à l’usage que l’on fait d’un objet qui correspond à la fonction pour laquelle il a été conçu. La seconde est symbolique. Elle tient à la valeur, économique, esthétique et affective, attribuée à un objet. Dans le cas du luxe, c’est cette seconde notion qui prime.

Le luxe est, par définition, coûteux, raffiné et somptueux. Il ne se rapporte en aucun cas au commun, aux besoins ordinaires de la vie qu’il dépasse et auxquels il s’oppose même volontiers. Et parce qu’il n’est pas, au premier sens du terme, “vulgaire”, le luxe se doit d’être rare et inaccessible.

Le luxe ne se mélange pas !

Toute l’industrie du luxe s’est construite sur la base de ce présupposé. L’objet de luxe est tenu volontairement à l’écart, dans son écrin ou sa vitrine. Le luxe ne se touche pas ! Les marques de luxe ont leurs codes et leurs quartiers.Le luxe ne se mélange pas !

Comment, dès lors, le rendre compatible avec le bien-nommé digital qui se définit, lui, par son “hyper-accessibilité”? On sait que la poignée du sac du plus grand maroquinier français ou le volant du bolide du plus grand constructeur automobile italien n’arrive entre les mains qu’après une interminable attente destinée à parachever le rituel du luxe. La réconciliation entre luxe et digital paraît donc impossible voire peu souhaitable. Pourtant, elle est réaliste et même indispensable! En effet, compte tenu de l’évolution de nos sociétés, sans cette alchimie, l’industrie du luxe s’expose à une perte de valeur non seulement affective mais aussi matérielle.

Le luxe s’est trop longtemps tenu éloigné du digital, pas assez luxueux pour lui. Si certains acteurs, comme la marque au trench ou celle à la panthère noire par exemple, ont non seulement rattrapé leur retard digital mais ont même pris une très belle avance dans le domaine, ils sont encore trop nombreux à ne pas vouloir que se dissipe la dichotomie existant entre luxe et  médias digitaux. En agissant ainsi, ils prennent le risque de se voir coupés de leurs cibles, dispersées de par le monde, et de ne pas en toucher de nouvelles, indispensables à leur développement. Car les consommateurs les plus pointus comptent aujourd’hui parmi les plus connectés. Toutes ces grandes marques n’ont pas encore saisi l’importance du numérique, trop convaincues qu’il pourrait trahir leur précieux “ADN”.

 

Développer les virtualités

Pourtant, en investissant avec faste et éclat les champs digitaux, une marque de luxe ne se trahit pas, bien au contraire ! Elle s’affirme encore davantage en développant toutes les virtualités que mettent à sa disposition les nouveaux médias et en capitalisant sur ce que permet le virtuel et que ne rend pas possible la vie réelle. A cet instant, le digital devient même créateur de valeur pour le luxe. En ligne, les marques de luxe doivent produire toujours plus de contenus premium, offrir toujours plus d’usages, donner à vivre toujours plus d’expériences, ouvrir toujours plus d’accès. C’est dans cette dynamique vers davantage d’avantages, qui, d’une part, ne relèvent pas de la nécessité mais de l’envie et qui, d’autre part, anticipent les désirs des consommateurs, qu’est la clé du luxe sur internet.

Et si le vrai luxe n’était pas finalement de pouvoir accéder à l’inaccessible tout le temps et tout de suite ? L’heure est à l’Avenue Montaigne 2.0, ouverte jour et nuit, au vendeur polyglotte disponible 24h/24 partout dans le monde, à l’ultra-personnalisation de son achat. Dans le domaine du marketing digital, les grands noms du luxe sont à présent concurrencés voire supplantés par des acteurs d’autres secteurs, jusqu’ici considérés comme moins zélés. Les acheteurs s’habituent à ce qu’ils mettent à disposition en ligne et les jeunes consommateurs n’espéreront à l’avenir rien de moins que ce qu’ils auront déjà connu en la matière.

S’ils ne saisissent pas le digital à pleine main ou s’ils se contentent de l’effleurer, ceux que l’on considère aujourd’hui comme les rois de la relation clients  pourraient bien être demain des rois déchus.

Tribune également parue dans l’édition du 3 Mai 2012 de Stratégies

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