01/07/2007

Dorsal à l'heure du bilan

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

En ces premiers jours de juillet 2007, Dorsal atteint les 24 mois qu’il s’était donné pour doter le Limousin de la couverture totale. C’est évidemment le moment de faire un bilan. En tant que militant affirmé de ce projet, j’ai toujours voulu garder une vision exigeante et critique car c’est comme cela qu’on progresse, sachant par ailleurs qu’avancer en terre inconnue n’est pas évident. Dorsal est une superbe ambition, et sa concrétisation ne doit pas en manquer. Discutons maintenant.

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Premier constat, je suis en dégroupage total depuis le début de l’année. Bon, habitant Limoges centre, j’aurai pensé que cela se serai passé bien plus tôt, mais pensant à quelques amis habitant des zones isolées du sud de la Haute-Vienne que je n’aurai jamais pensé pouvoir être dans ce cas, il s’est effectivement passé quelque chose.
Les objectifs d’infrastructure en terme de dégroupage de tous les répartiteurs sont atteints. Cela dit, il faut aussi constater que ce n’est parce qu’il y a une infrastructure dégroupée de gros qui existe qu’elle est automatiquement séduisante pour les opérateurs. Il faut la vendre, ce qui ne semble pas avoir été chose évidente ou prioritaire dans le calendrier du projet. En outre, certains opérateurs et non des moindres ont pour politique de déployer leurs propres équipements. Du coup, dégroupage il y a, péréquation des offres, c’est à voir.
Sur la fibre, objectif atteint là aussi, mais si le projet avait anticipé le sujet, maintenant que le marché du FTTH est lancé, s’il est bien de s’être préoccupé des zones d’activité, services publics et disons des lieux d’économie du territoire, la question du particulier se pose.
Enfin, tout l’enjeu de la couverture totale portait sur la technologie de couverture. En mars 2005, il était quand même, disons volontariste, de promettre du Wimax alors que cette technologie était encore expérimentale et surtout sans certitudes sur le cadre légal. Or, le régulateur a pris son temps et c’est finalement à mi-chemin de l’objectif qu’Axione a eu la bonne idée d’être dans le bon consortium obtenteur de la licence pour le territoire (hum). Maintenant, il faut faire et nous voici donc ce qui est sans doute le plus vaste espace territorial en équipement WiMax actuellement. On pardonnera donc le retard de calendrier, on attend de tester, et j’espère que du côté de Dorsal et d’Axione on n’oubliera pas que le public associe tellement haut-débit et ADSL qu’il faudra faire quelques efforts pour que le WiMax ne soit ni une consolation ni une sous-offre.
À ce propos, on notera que la “couverture totale”, ce n’est pas 100%, mais 98,5%, ce qui fait somme toute quelques 10 000 personnes. Dans la rue, ça peut représenter quelque chose. Il y a toujours des exclus, mais il y aussi des solutions, notamment les ponts Wifi, promus par des gens du côté de Bonnefond, en Corrèze, qui ont su se signaler dans les échanges blogosphériques autour du projet et dont je me suis laissé entendre qu’ils gravitent maintenant dans le paysage du projet.
Voilà pour la plomberie, finalement plutôt au rendez-vous.
Un des volets important, c’était aussi la transformation du réseau en terreau de développement économique. Je développerai plus avant, mais je veux rester un peu dans l’infra et parler fourniture d’accès.
C’est peu de dire que la constitution de fournisseurs locaux était attendue et nous avons joué le jeu. On y croît. Il nous semble cependant clair qu’un rapport de force s’est institué entre d’un côté Axione qui, et c’est bien normal, fait vivre son business avec les grands opérateurs, et de l’autre la puissance publique qui discoure sur l’économie résidentielle et le développement local et dont on attend donc un peu de pression sur son délégataire pour qu’il fasse l’effort au soutien des opérateurs locaux. Je ne dit pas qu’il ne le fait pas, mais ce jeu me semble indispensable à l’équilibre des choses.
C’est à ce titre que je pense qu’il serait bon de ne pas attendre longtemps à passer des exigences quantitatives (de couverture) à des questions qualitatives, ou à celles des liaisons raccordant le réseau au coeur de l’internet.
À mi-chemin du but, j’avais eu beaucoup de choses à dire sur la communication du projet. Il faut dire qu’elle était très classique, cette communication, qu’il a fallu attendre longtemps avant d’avoir quelque chose d’officiel sur le web et notamment des cartes. Mais d’une manière général, il y a quand même un monde entre une promesse parlant d’accès, une communication faite de tranchée, câbles et pelleteuses et puis des internautes avides d’échange et de question, investissant nos blogs, n’est-ce pas David ? Sur ce point, pas beaucoup de progrès, le minimum syndical en fait.
On ne peut pas dire que la communication du projet soit véritablement porteuse d’innovation et d’exemple en terme d’usages. Ah, les usages, graal de ce type de projet, sel du discours, mais comme il est d’usage, si j’ose dire, point de dynamique. Il y a bien eu un fameux appel à projet, mais cela fait un moment que ceux qui s’intéressent aux territoires numériques savent que ça ne suffit pas.
Comme je l’ai écris dans Le défi numérique des territoires, il ne sert à rien d’inventer et susciter ex-nihilo des usages, l’internet est un terreau, que l’on peut fertiliser, mais où il est surtout important de détecter et faire fructifier. Alors que j’entends qu’on en cherche, des usages, pour ce qui nous concerne, nous voyons passer des projets et des net-entrepreneurs qui font leur vie et que visiblement personne n’a détecté.
C’est là qu’intervient à mon sens la plus grosse carence. Comme d’une manière générale dans ce pays il n’y a AUCUN instrument d’observation, donc aucun carburant pour nourrir une réflexion stratégique. Rien que sur la question de la filière numérique la dernière étude a 8 ans, et je le sais d’autant plus que c’est moi qui l’avais conduite (!)
Nous voilà donc avec un joli réseau tout neuf, de pertinents discours sur le grand intérêt en terme de développement économique, mais pour le reste, aucun chiffre, aucune étude, aucun instrument qui permette de savoir d’où on part, ce qui existe et accessoirement d’avoir les moyens de détecter les porteurs de l’économie numérique régionale et ce qu’ils font.
Dorsal est à la fois un magnifique projet, il fait figure d’exemple au plan national et européen, mais il est aussi malheureusement symbolique des carences des politiques numériques qui sont derrière nous.
L’approche usage n’est pas priorisée ou en tous les cas n’affiche pas de véritable stratégie, le pilotage non-infrastructurel du projet manque d’instruments. Au même titre que sa communication est très web 1.0 et si Dorsal est innovant dans le modèle et l’ambition, il ne s’incarne pas dans le web moderne. Il n’est pas participatif et en interaction avec les usagers. Je trouve dommage que deux années aient été perdues sur ce plan et je ne constate pas de progrès, si ce n’est une relative prise de conscience du côté des consulaires ou de départements qu’il y a aussi un gros chantier d’évangélisation usages à faire en direction des forces vives du territoire.
Alors, est-ce qu’on va enfin poser le casque et parler usages ? se donner les moyen d’évaluer et de détecter ? entrer enfin dans une approche participative sur le réseau ? faire en sorte que Dorsal ne soit pas que des tuyaux, mais soit intégré dans la Société de l’Information ? Qu’est-ce qu’on attend ?

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