19/09/2006

YouTube au pied du mur

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

YouTube est décidément au centre de toutes les attentions ces derniers temps, avec un beau paradoxe. D’une part ce type de services de partage de vidéo donne lieu à de très nombreuses déclinaisons (voir la dernière en date), d’autre part, sa profitabilité voire sa pérennité même est mise en doute par la qualité des contenus publiés. Fini de jouer, place aux questions de fonds.


Ce n’est pas parce que l’on fait de l’audience que le modèle est pour autant pérenne et rentable. YouTube cartonne, personne ne mettra en doute ce constat. YouTube est-il rentable et comment est-ce que cela peut être, voilà la vraie bonne question, surtout quand le service même est le coeur du modèle et pas un élément complémentaire d’une offre plus large, comme pour GoogleVidéo ou en étant adossé à un groupe média, comme WAT par exemple.
Les fondateurs de YouTube ont affirmé un chiffre d’affaire de 100M$ et la rentabilité du service, mais cela a surtout créé du doute et un clou que Jason Calcanis a fini d’enfoncer en démontrant des revenus cinq fois inférieurs (20M$). On attend encore la contradiction et pendant ce temps cela beaucoup fait jaser et verse de l’eau au moulin de ceux qui se méfient de visions simples en terme de revenus publicitaires.
Mais YouTube a de l’audience, beaucoup, donc il est visible et dans le radar de l’industrie du contenu car, le moins que l’on puisse dire, c’est que les vidéos qui y sont publiés sont loin d’être toutes en conformité avec le droit d’auteur.
Après l’enchantement des usages libérés, le retour de manivelle de l’industrie culturelle est d’actualité. Dès que les usages atteignent un degré de développement notable, ils deviennent et les services qui les portent avec eux, une cible désignée d’intérêts puissants et organisés. Après le P2P, les communautés web 2.0 entrent dans le champ de tir.
YouTube doit faire le ménage et c’est un enjeu vital. Il est illusoire d’imaginer un système qui contrôle à priori les dépôts effectués et YouTube est donc forcé de s’entendre avec tous ceux dont les contenus sont captés et reversés par les utilisateurs. Il y a ceux qui veulent bien s’entendre avec YouTube, comme Warner, mais il y a aussi les autres, comme Universal, qui sont prêts à cogner, sans doute pour imposer leur propre service concurrent (où ceux avec lesquels ils ont déjà fait affaire).
Les mésaventures de YouTube illustrent bien deux aspects qui vont s’affirmer dans les mois qui viennent.
Les services 2.0 au sens du “dépose tes contenus chez moi en échange de notoriété et sociabilité” sont un immense marché, mais celui-ci n’a pas encore trouvé la clé de la rentabilité. Certes le coût de la publicité augmente en même temps que l’intérêt que les diffuseurs leurs portent, mais il y a encore du chemin à faire. La question se corse avec l’entrée en lice d’un nombre croissant d’acteurs. Une consolidation saignante s’annonce.
Les producteurs de contenus ont décidé de ne pas se laisser piller sans réagir. Ce n’est pas le consommateur qui est visé, mais le diffuseur. Du moment que celui-ci gagne en audience et donc réussit sa percée, il entre dans le viseur.
La question qui se pose est alors de savoir si YouTube peut continuer à avancer seul comme pure-player, résister à la concurrence et maintenir sa communauté, tout en réduisant le risque des procès. La communauté, comme espace publicitaire a sa valeur, on l’a vu avec MySpace, mais cette valeur est toute relative si l’on songe au risque juridique lié à la propriété des contenus déposés. Passer des accords avec les groupes médias sur les contenus est à la fois rémunérateur et protecteur, mais tout le monde sera-t’il prêt à jouer le jeu ? Le poids de sa communauté est-il suffisant pour bien négocier, où ne vaut-il pas mieux vendre et prendre le chèque et s’éviter un chemin de croix entrevu du côté du P2P en son temps. L’histoire est-elle en train de repasser les plats ?

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