20/07/2006

Les services 2.0 servent-ils vraiment la recherche d'information ?

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Le web 2.0 est marqué par une profusion de contenus produits par les utilisateurs eux-même. Différents outils se sont développés pour faciliter cette tache, avec notamment l’utilisation des mots-clés, qu’ils soient produits par les auteurs ou utilisés par les lecteurs pour leur propre qualification, de même que les indices de popularité, notamment ceux tirés de la notation effectuée par les utilisateurs eux-mêmes. Maintenant que nous sommes sorti de la béatitude 2.0 pour un regard critique et constructif sur le phénomène et sa progéniture de services, les retours d’expérience apportent un point de vue nuancé sur la valeur ajoutée des services, notamment pour trouver et sélectionner au milieu du bruit.


Lors de l’UP FING de juin dernier, nous avions longuement parlé des mots-clés et notamment des folksonomies, dégageant une convergence de vue sur les limites d’usages de cet instrument : ce sont de bons outils tant que le sens qu’ils sous-tendent reste clair pour tout le monde. D’où des problèmes de distorsions culturelles et linguistiques (Java, c’est la techno, l’île, la danse, … ?) et des difficultés à en tirer efficacement profit dans des environnements massifiés et généralistes. Dis comme cela, cela semble évident, ce n’est d’ailleurs pas un constat nouveau, il est aussi vieux que la recherche par mots-clés et il est finalement surprenant que l’on soit obligé d’y revenir.
Un problème similaire se dessine avec les indices de popularité basés sur les votes des utilisateurs. À partir d’une certaine masse critique, les communautés d’intérêts sont nombreuses et dilluées et c’est forcément celle qui est dominante qui va imposer sa loi en votant plus particulièrement pour les contenus qu’elle affectionne. Ce scénario classique de la dictature du groupe majoritaire ne peut que conduire à réduire la portée communautaire du service proposé, hors le plus petit dénominateur commun qui relie tous les participants. Je vous invite ainsi à lire ce retour d’usage d’Emmanuel Parody, qui illustre très bien le problème, et pointe accessoirement les effets de la sur-représentation des geeks dans la sphère 2.0 et dans Digg en particulier.
Dans les faits, on voit donc que popularité et mots-clés trouvent plus de sens et d’intérêt dans le cadre d’une communauté clairement établie autour d’éléments identitaires communs. Dans ce cas, quelles sont les modalités offertes pour permettre aux utilisateurs d’organiser des communautés dans des sphères comme FlickR, Wikio ou Digg ? personnellement, je n’en vois pas, ces services ne me paraissent tout simplement pas destinés à cela !
Pour les services de partage de contenu 2.0, le moteur du développement c’est leur capacité à permettre aux gens de créer du lien et de cultiver leur socialisation. Leur intérêt c’est la dimension de réseau social, pas de se positionner comme des instruments de veille et de créer des conditions efficiente à l’extraction. Il est alors logique qu’il n’y aie rien entre l’individu et la foule. En bonne approche user-centric, c’est l’individu qui est au centre et s’il y a “communauté”, c’est d’abord celle que constitue son lectorat. À l’autre bout, il y a la foule et mots-clés et autres indices de popularité n’ont de sens que d’offrir des clés pour en extraire non pas du contenu mais des pairs potentiels à intégrer dans son réseau.
Dans le cas des Digg et autres Wikio, il n’y a pas non plus de granularité intermédiaire entre l’utilisateur et la foule et la valeur d’usage que constitue l’indice de popularité manque d’un sens collectif plus proche de l’utilisateur exigeant, que ce soit dans une dimension culturelle, linguistique ou simplement associé à un centre d’intérêt. Mais dans le fonds, le moteur de ces services n’est-il pas tout simplement le flux, disons-le carrément, le buzz, auquel cas les moyens d’extraction importent moins que le bourdonnement qu’ils éclairent. Tel que ces outils sont, on peut se demander s’ils ne permettent pas, tout simplement, de savoir quel est le sujet qui bourdonne. Avec la massification de leurs usagers, la foule y est devenue tellement énorme qu’on a du mal à dégager du sens, mais on a toujours un bon indicateur de sujets tendances.
Le buzz et le réseau social ne sont évidemment pas très éloignés dans l’idée que l’on se fait des usages et de l’EntreNet en particulier. Mais c’est évidemment différent des problèmes de recherche d’information ou de veille de professionnels ou d’usagers en quête de performance.
Comme vous l’avez compris, mon propos c’est que le débat sur la qualité des services 2.0 à être des instruments de veille ou d’extraction d’information pertinents est certes très intéressant, mais en décalage avec l’objet même de ces services. Cette sorte de paradoxe n’est d’ailleurs pas sans lien avec un autre, évoqué dans un précédent billet, où je pointais le décalage des centres de valeur entre celle (d’usage) recherchée par les usagers et celle (patrimoniale) des services qu’ils utilisent.
Il y a donc sans doute quelque chose d’autre qui se dessine et qui renvoie à la question des communautés qui, je trouve, est à la fois un mot très utilisé, mais une notion peut être pas vraiment travaillée. La vague 2.0 est peut-être finalement encore très marquée par son approche grand public et par une logique de masse, de foule. Il y a du chemin à faire et de nouvelles idées à trouver pour apporter de la valeur au niveau de l’information et celles-ci sont adressées sous un angle professionnel sans doute encore sous-développé.

gallery image