16/03/2006

DADVSI : pour punir la Société de l'Information

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Si ce second passage à l’assemblée a dépassé les limites du ridicule, il n’empêche que le texte en sort fort peu amendé, avec ce que chacun était en droit de craindre. Je sais bien que cette histoire est ardue, mais croyez-moi, son impact sur nos vies numériques, mais aussi nos métiers, en sera tout sauf nul.

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1/ Derrière la mousse du débat sur une licence globale morte-née, la copie privée est la grande victime, comme nous étions plusieurs à le craindre. Maintenant que la justice est dessaisie de la fixation de ce qui nous a été rappelé être une exception, un collège de médiateur (sic) dans lequel l’industrie culturelle sera bien représentée, se chargera d’en limiter l’usage, voire de l’interdire, le nombre de copie pouvant être égal à zéro ! Quand les rapporteurs s’appuient sur un arrêt de la cour de cassation alors que celui-ci s’appuie lui-même sur l’esprit du projet de loi, on se demande si on est toujours en démocratie !
Tout cela me semble limite en terme constitutionnel, mais comme l’ont souligné nombre de commentateurs, à vouloir tout verrouiller, les internautes feront autrement et plus massivement encore.
2/ Les défenseurs du logiciel libre peuvent s’étrangler, puisque tout ce qui est relatif aux DRM et surtout aux sanctions pour les éditeurs de logiciels manifestement destinés à permettre les échanges illégaux est là et bien là.
On a aussi droit à l’amendement 273, qui impose aux éditeurs de mesures techniques de protection d’en déposer le code source au Ministère de la Défense. Cette obligation à ouvrir le code est-elle une manière de promouvoir l’open-source ? Evidemment non et avant que vous n’y pensiez, tout cela est bien sûr limité aux importations “depuis un Etat membre de la Communauté Européenne”, ce qui évitera de se fâcher avec Steve et Bill.
3/ Enfin, je sais bien que cette histoire est difficile à suivre, mais quand on lit ça, on comprendra que ce texte milite donc pour le traçage des contenus et l’exigence d’ouvrir les systèmes d’information aux éditeurs de contenus afin qu’ils fliquent les usages directement là où ils se passent. Quand j’ai raconté ça à des gestionnaires de réseaux universitaires, vous n’imaginez pas la tête qu’ils ont fait !
Ce qui est assez frappant, c’est l’espèce de résignation qui semble gagner, quand ce n’est pas de l’écoeurement. Les certitudes gouvernementales ont vacillé, mais n’ont en rien tenu compte d’un débat pourtant riche autour du développement de la Société de l’Information, préférant en rester sur quelques idées simples, dangeureuses pour l’innovation numérique et rétrogrades quand il s’agit de faire évoluer notre économie et notre société. Je dis bien rétrograde quand on voit notamment le résultat sur la copie privée.
On pourrait dire que le combat peut continuer avec le passage du texte au Sénat, mais je crois qu’avec le résultat de l’assemblée et une discipline parlementaire retrouvée, RDDV peut se consoler, dormir tranquille et annoncer la prochaine punition.
Il faudra quand même tirer les leçons de la mobilisation et de comment s’organiser pour peser sur le prochain débat. Il faut dire qu’il est assez déprimant, comme le dit très bien Guillaume Champeau, de voir combien les grandes forces politiques n’ont pas saisies et investies ce débat. Elles ne sont tout simplement pas dans la Société de l’Information. La palme du silence assourdissant revient à Jack Lang qui n’a semble-t’il rien à faire de voir piétinée son grand-oeuvre, à savoir la loi de 1985 sur les droits voisins.
La bande de députés frondeurs n’a aucun soutien d’appareil au parlement. Elle représente un foyer d’innovation politique dont on peut espérer qu’il sera au rendez-vous du prochain grand texte. En attendant, elle a la gratitude des internautes français, soit la moitié de la population, peuple encore invisible pour le gouvernement et les grands partis.

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