15/11/2005

Hystérie réglementaire sur la musique en ligne

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Après les vifs débats autour de la LCEN, les procédures judiciaires et événements connexes, le petit monde de la musique en ligne semblait s’être calmé (même Pascal Nègre dans l’interview donnée à Télérama dont je parlais dans la dernière partie de ce billet). Il n’en est rien.


D’abord, il y a eu l’épisode Madona et son exclusivité confiée à … France Télécom. VirginMega a tout simplement fait ce que lui-même et autres majors reprochent aux adeptes des échanges de fichiers musicaux, à savoir pirater le titre pour le proposer sur sa plateforme ! Olivier Bomsel en a dressé un savoureux compte-rendu. Comme il le dit, c’est effectivement le far-west !
Surtout, nos chers parlementaires ont remis le couvert, avec deux cibles dans la ligne de mire : les logiciels de P2P et le podcasting. Nous n’en sommes qu’aux préliminaires, mais c’est à ce niveau que l’on mesure le degré d’incompréhension de la classe politique avec les enjeux du réseau.
Sur le P2P, la direction qui est prise est d’interdire les logiciels qui n’intègrent pas la prise en compte des DRM et de la traçabilité, ainsi que les sites et plus largement ceux qui en font la promotion. Lisez-ça, vous allez être de bonne humeur !
Rappelons que ce qui est proscrit, c’est la mise à disposition, pas la collecte de fichiers, celle-ci relevant du droit à la copie privée. Certes, casser la réciprocité nuit au modèle, même si l’on sait qu’il y a déjà beaucoup plus d’utilisateurs qui téléchargent que de ceux qui mettent à disposition.
Peu importe. Plutôt que de faire oeuvre de frappe chirurgicale en légiférant sur le fait de permettre à l’internaute de ne pas devoir mettre à disposition de fichiers, la voie actuelle privilégie le bombardement massif au risque d’éteindre l’innovation.
Car il n’échappe à personne, sauf à nos parlementaires et à leurs experts, que le P2P sert d’abord à énormément de choses autres que l’échange de fichiers musicaux. On pense à Skype, mais BitTorrent, si décrié comme support de piratage, a aussi des applications professionnelles parfaitement légales et pertinentes.
Vous allez voir, ils vont bientôt se rendre compte que la messagerie électronique permet de faire passer des fichiers mp3 non protégés …
Même approche avec le PodCasting. Dans un récent rapport commenté sur PointBlog, les audioblogs sont placés sur le même niveau que les sites de téléchargement illégaux et le P2P.
À l’heure ou Jean-Michel Billault nous narre les perspectives du Podcast outre atlantique, où l’on parle de nouveaux modèles économique sur les contenus audio, d’iPodEconomy et autres perspectives, vas-t’on interdire le podcast chez nous ?
Et que fait-on de ceux qui produisent eux-mêmes et qui développent des modèles qui vont bientôt sérieusement faire bouger la radio ? Je crois qu’on s’en moque.
Comme d’habitude, le changement et l’innovation sont considérés comme des menaces. On ne tient pas compte de l’innovation qui provient des utilisateurs et de leurs usages, on se contrefiche du potentiel économique et d’innovation qui émerge, on se préoccupe surtout d’intérêts partisans et de la préservation de leur modèle économique. Après cela, on s’étonne que le vieux continent soit à la traîne sur l’économie numérique depuis ces trente dernières années et on se gargarise avec “l’économie de la connaissance”. Mais le plus incroyable, c’est que l’industrie du disque commence justement à réviser son modèle et a intégré la nécessité de changer.
Quelqu’un pourrait leur dire qu’on est au XXIe siècle ?
Allez, soyons optimiste, cela doit procéder d’un simple retard de phase de l’horloge du parlement par rapport à l’évolution des choses. Le débat devrait permettre de se resynchroniser et de se poser les bonnes questions. Espérons seulement de la capacité d’écoute de ceux qui nous gouverne, et surtout, sachons la stimuler

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